Ségolène Royal à la reconquête des « symboles de la nation »
NICE, Alpes-Maritimes (Reuters) - Marseillaise, drapeau tricolore, lieux de mémoire et d’histoire : Ségolène Royal a clairement affiché cette semaine sa volonté de « reconquérir les symboles de la nation », peaufinant par ce biais sa stature de chef de l’Etat.
Vendredi dernier, la candidate socialiste sillonnait la Champagne-Ardennes aux prises avec le chômage et les délocalisations, déroulant au gré de ses étapes les propositions économiques et sociales de son « pacte présidentiel ».
Huit jours plus tard, à Marseille, dans le Var et à Nice, dans une région où le Front national réalise certains de ses plus hauts scores, elle s’est de nouveau attachée à se réapproprier l’identité nationale, replacée au centre de la campagne par Nicolas Sarkozy.
En suggérant que tous les Français disposent désormais chez eux d’un drapeau tricolore - une idée dont son équipe n’avait jamais entendu parler avant vendredi -, la présidente de Poitou-Charentes renoue avec les propositions iconoclastes qui ont fait le succès de sa campagne pour l’investiture socialiste.
Comme elle l’a fait pendant la primaire, elle multiplie de nouveau les bains de foule et les réunions sur les places publiques, savourant le « bonheur politique » d’aller à la rencontre des Français « en toute liberté, sans entrave ».
Après le retour des « éléphants », qui la fait apparaître « plus formatée (...) on la retrouve comme on l’avait un peu perdue de vue », se félicite son co-directeur de campagne, Jean-Louis Bianco
A un mois du premier tour, Ségolène Royal fait le pari que son discours sur la nation touchera à la fois les couches les plus populaires de l’électorat, qui s’étaient détournées de la gauche pour voter Jean-Marie Le Pen, le 21 avril 2002, et la France « black blanc beur », à qui elle promet d’être la première présidente d’une « France métissée ».
Ses hommages à la nation et à la République offrent également de nouveaux gages aux électeurs chevènementistes, dont les voix avaient fait cruellement défaut à Lionel Jospin, il y a cinq ans.
Hasard des images, Ségolène Royal est montée vendredi sur une estrade dressée sur la place Charles de Gaulle de Correns, dans le Var, s’adressant à plusieurs centaines de partisans devant une mairie dont le fronton arborait une devise « Liberté, égalité, fraternité » fraîchement repeinte.
PUZZLE
A la fin de son allocution centrée sur « l’excellence environnementale » au coeur du « premier village bio de France », le public a entonné de son propre chef la Marseillaise, qu’elle avait fait jouer à deux reprises, la veille, dans la cité phocéenne.
« C’est une étape historique de l’histoire de la gauche qui avait cru devoir abandonner l’hymne national à l’extrême-droite », s’est-elle félicitée après coup.
De son discours sur la réforme des institutions à l’hymne national, toutes les pièces de son puzzle présidentiel se sont mises en place en une semaine, même si son entourage réfute tout « calcul opportuniste ».
Depuis son discours de Vitrolles, ville symbole de la gestion Front national reconquise par la gauche, « elle est dans une extrême continuité », analyse Jean-Louis Bianco.
La valeur travail et l’identité nationale sont des thèmes sur lesquels « elle ne lâche pas », poursuit l’ancien secrétaire général de l’Elysée. « Parler de la France, dire qu’on peut être fier d’être Français, les gens en ont besoin ».
Après son explication de texte sur les paroles « parfois un peu féroces » de la Marseillaise, la candidate socialiste a expliqué qu’elle n’était pas favorable à une modification du texte de l’hymne national.
Devant les journalistes, elle a également déploré que les sportifs français soient ceux qui « connaissent le moins » ces paroles dans les compétitions internationales.
Dans une pirouette, elle a justifié le fait qu’elle reste de marbre pendant la Marseillaise, sans entonner l’hymne. « Je ne suis pas chef de choeur non plus ! Je suis candidate à l’élection présidentielle ! », s’est-elle exclamée.
Vendredi matin, elle s’est rendue successivement rue Thubaneau, à Marseille, où fut chanté l’hymne national pour la première fois en France, puis au « Camp de Milles » d’où 2.500 juifs furent déportés vers Drancy et Auschwitz.
L’identité française « est faite aussi de cette histoire », « d’étapes de lumière et d’ombres », a-t-elle déclaré devant l’ancienne fabrique de briques devenue mémorial.
Dans la dernière ligne droite de la campagne, Ségolène Royal a déclaré vouloir « prendre le temps d’être sur les lieux identitaires qui maintiennent une force symbolique et émotionnelle ».
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